La Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence sur les congés payés afin de mettre le droit français en conformité avec le droit européen
Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.340
La jurisprudence européenne interprétant l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail rappelle qu’aucune distinction n’est opérée en matière d’acquisition de congés payés entre les salariés qui ont effectivement travaillé au cours de la période de référence et ceux dont le contrat de travail est suspendu.
Or, l’article L. 3141-3 du Code du travail dans sa rédaction actuelle dispose que « le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif par le même employeur ». Si certaines absences sont assimilées à du temps de travail effectif comme les périodes d’absence pour accident du travail ou maladie professionnelle, ce n’est pas le cas des périodes d’absence pour accident non-professionnel ou maladie non-professionnelle.
Sur le fondement du droit de l’Union Européenne, la Cour de cassation a considéré que l’article L. 3141-3 du Code travail ne permettait pas « une interprétation conforme au droit de l’Union Européenne » et a écarté les dispositions précitées. Elle a ainsi jugé que les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d’une maladie non-professionnelle ont « des droits à congés payés au titre de cette période ».
Par conséquent, les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident (du travail ou non-professionnel) ou d’une maladie (professionnelle ou non-professionnelle), acquièrent désormais des droits à congés payés pendant la suspension de leur contrat de travail.
Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638
La jurisprudence européenne interprétant l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail rappelle que « tout travailleur, qu’il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecté son droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines. »
L’article L. 3141-5 du Code du travail dispose que « Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé (…) Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ».
Sur le fondement du droit de l’Union Européenne, la Cour de cassation a considéré que l’article L. 3141-5 du Code du travail ne permettait pas « une interprétation conforme au droit de l’Union Européenne » et a écarté les dispositions précitées. Elle a ainsi jugé que les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pendant plus d’un an ont « des droits à congés payés au titre de cette période ».
Par conséquent, la totalité de la période de suspension du contrat de travail (en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle) et ce, quelle que soit sa durée, doit être assimilée à une période de travail effectif et donne droit à congés payés.
Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-10.529 :
La jurisprudence européenne interprétant l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps a jugé que ces textes doivent être interprétés « en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit au congé annuel payé acquis par un travailleur au titre d’une période de référence est prescrit à l’issue d’un délai de trois ans qui commence à courir à la fin de l’année au cours de laquelle ce droit est né, lorsque l’employeur n’a pas effectivement mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit ».
Or, selon l’article L. 1345-1 du Code du travail « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.»
Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé que le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés « doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris ».
Sur le fondement du droit de l’Union Européenne, la Cour de cassation a considéré que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que lorsque « l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés ».
Par conséquent, la prescription triennale ne court que si l’employeur justifie avoir pris les mesures permettant au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés. En application de ce principe, les salariés n’ayant pu bénéficier de congés payés sur le fondement des dispositions actuelles des articles L. 3141-1 et 5 visées dans les arrêts précédents, ne seraient donc pas prescrit à ce jour.
Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-14.043
La clause 5, point 2, de l'accord-cadre révisé sur le congé parental figurant à l'annexe de la directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010 prévoit que « les droits acquis ou en cours d'acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l'état jusqu'à la fin du congé parental. Ces droits s'appliquent à l'issue du congé parental, tout comme les modifications apportées à la législation, aux conventions collectives et/ou à la pratique nationales ».
Selon le droit français, en principe, les congés payés doivent être pris pendant la période des congés, sous peine d'être perdus. Il n’est donc pas possible de les reporter sauf dans des cas limitativement énumérés par la loi (ex : congé de maternité ou d’adoption) ou s’il existe des dispositions conventionnelles plus favorables. Le congé parental n’est pas une des situations permettant au salarié de bénéficier d’un report de ces congés payés.
Sur le fondement du droit de l’Union Européenne, la Cour de cassation a considéré que « lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail ».
Par conséquent, le salarié, qui n’a pas pu prendre ses congés payés au cours de l’année de référence se trouvant en congé parental, bénéficie d’un report des congés payés qu’il a acquis avant son départ en congé parental.
Ces jurisprudences ne manqueront pas d’être évoquées par les salariés dans le cadre de futurs contentieux ou même de ceux en cours, celles-ci étant, en principe, rétroactives.